Une réouverture de cinéma très animée
Fermées depuis le 30 octobre 2020, les salles de cinéma rouvrent enfin ce 19 mai 2021. Longtemps cantonnés aux rôles de bouche-trou ou de sortie de noël, les films d’animation répondent présent pour cette reprise tant attendue.
Pas moins de sept films d’animations vont accompagner la réouverture des salles le 19 mai ( Demon Slayer — Le Train de l’infini, Le Prince Serpent, On Gaku — Notre rock, Patate, Stardog et Turbocat, Tom et Jerry, Violet Evergarden) et près d’une vingtaine d’ici fin septembre. Si certaines sorties ciblent un public de niche comme On Gaku — Notre Rock, Violet Evergarden ou Les Ours gloutons, d’autres sont des mastodontes confirmés comme Les Croods 2, Hotel Transylvania 4, des héritiers renommés: Space Jam, Aya et la sorcière. Mais trois films vont chacun marquer l’histoire à leur manière : Demon Slayer — Le train de l’infini, Détective Conan — The scarlet Bullet et D’Artagnan et les trois mousquetaires.
Demon Slayer — Le train de l’infini, le 19 mai 2021, réalisé par Haruo Sotozaki.
C’est LE film de tous les records au Japon, dépassant les 255 millions d’euros de recette et qui a mondialement assis la notoriété du manga dont il est adapté. Les ventes de ce dernier, boostées par le film, ont dépassé One Piece en 2020.
Matthias Jambon‑Puillet, directeur marketing Europe chez Funimation, explique les enjeux de cette sortie si particulière pour Wakanim. « Ce film bouscule l’ordre établi, c’est ce que je retiendrais plus tard. On est sur plus de 400 salles, ce qui est un très gros chiffre pour de l’animation japonaise. En préventes, on a déjà dépassé le total de toutes les sorties que l’on a faites dans le passé. Il est très probable, si la fréquentation se confirme au-delà de la première semaine, que ce film titille les records de la japanimation en France. On nous a souvent reproché dans le passé de faire des sorties événementielles avec un nombre de salles et de séances limitées. Cette fois, nous le diffusons de manière nationale, dans toute la France. L’inconvénient, c’est qu’il faudra attendre trois ans pour le mettre à disposition sur notre plateforme Wakanim. Mais c’est un pari qui vaut le coup. On avait déjà fait des sorties nationales comme avec le film de Sword Art Online en partenariat avec Eurozoom, mais jamais de cette ampleur. C’est la première fois que l’on propose aussi une sortie en 4DX et en Imax. Un véritable challenge aussi bien technique qu’au niveau des approbations au Japon.
L’objectif de Wakanim est à terme d’être aussi distributeur de cinéma. On ne peut pas encore donner de titres précisément, mais on a plusieurs annonces qui arrivent, deux à quatre films sortiront en salle cette année, de manière évènementielle ou nationale.
Il y a un an on songeait à faire une sortie événementielle, mais on a été bousculé par le succès du film au Japon et aux USA (le film est n°1 du box-office Américain en deuxième semaine), cela montre à quel point ce film est une locomotive (rires), on a alors décidé d’investir. On a réalisé la VF dans la foulée du doublage de la première saison du dessin animé. Les conditions sanitaires nous ont obligés à n’avoir qu’un seul acteur par cabine de doublage, donc à organiser plus de séances, mais en dehors de ça, tout s’est bien déroulé. On a casté des voix originales, des acteurs de cinéma, des voix moins estampillées animation japonaise et on a eu d’excellents retours. Le report de la sortie du film nous permet de proposer la VOSTF et la VF en même temps».
Si le film est la suite directe de la première saison, il peut être vu et apprécié sans connaître l’histoire du manga ni du dessin animé. Bien sûr, les fans y trouveront beaucoup plus de choses.
Demon Slayer, en un sens, est le Dragon Ball ou le One Piece de la génération de collégiens actuelle.
Marie Clary, responsable chez CGR Events, ajoute « C’est une première pour nous de travailler avec Pathé ou UGC sur une telle ampleur. Les salles se sont montrées très intéressées par le potentiel du film. Et même sans connaître l’histoire du dessin animé, tous les programmateurs ont aimé le film. C’est un film avec une base de fans solide, qui l’attend impatiemment. C’est la référence culturelle aujourd’hui pour les collégiens. C’est le Dragon Ball ou le One Piece de cette génération. On est très content, les préventes laissent envisager un véritable succès et en plus ça recrée l’habitude du cinéma, ça fait revenir les jeunes dans les salles».
Détective Conan The Scarlet Bullet, le 26 Mai 2021, réalisé par Chika Nagaoka.
« C’est une licence culte au Japon, l’une des plus fortes de tous les temps. C’est le 24e film tiré de la licence qui comprend 1000 chapitres, 98 volumes, 1000 épisodes de dessins animés et trois spin-off. Tout Japonais a au moins lu ou vu une fois Détective Conan. C’est encore plus fort que Pokemon et Doraemon, chaque nouveau film établit un nouveau record. Ce 24e opus confirme la tendance en étant le second succès de l’année au Japon, derrière le météorite Demon Slayer. C’est aussi un budget très important, pour produire un long métrage de Détective Conan, le budget est à l’avenant, hors production des studios Ghibli, ce sont les plus gros budgets dans le monde de l’animation japonaise. Car ils font énormément de partenariats avec des grosses compagnies, dans le 23e opus, la ville de Singapour avait participé financièrement au développement. Pour ce 24e film, la firme JR est l’un des principaux sponsors, pour communiquer sur son futur Maglev (train à suspension magnétique allant à 500km/h) prévu pour 2027» explique Steve Naumann, rédacteur en chef de la revue Animascope.
Amel Lacombe, présidente fondatrice d’Eurozoom, le premier distributeur de films d’animation japonais en France, précise : « Si la licence existe depuis 1994, ce film reste accessible au grand public qui ne la connaît pas. Bien sûr, les fans seront ravis de voir les nombreux easter eggs qui parsèment le film, mais rien n’empêche le grand public d’apprécier ce film qui au final est un polar d’action de grande qualité. Le plus frustrant est de n’avoir eu que deux semaines pour construire la notoriété de la licence en France. C’est un risque, mais pour nous il est important de faire passer ces licences qui le méritent par la case cinéma. Surtout en France, l’animation japonaise gagne ses lettres d’or, sa visibilité sur les sorties au cinéma».
Un film d’animation grand public où Sherlock Holmes rencontre James Bond. Des énigmes, de l’action, une intrigue complète rondement menée. Espérons que cette sortie renforce la notoriété de la licence en France.
D’Artagnan et les trois mousquetaires, le 11 août 2021, réalisé par Toni García.
Le grand retour en 3D CGI des héros chiens anthropomorphes qui ont fait la gloire du studio espagnol BRB est bien plus qu’une simple adaptation. La trame de l’histoire bien sûr suit les aventures de D’Artagnan, le jeune gascon qui rêve de devenir un mousquetaire du Roi. Sa route va l’amener à croiser Atos, Portos et Aramis le célèbre trio de mousquetaires, mais aussi Constance qui fera chavirer son cœur. Cette dernière a un rôle bien plus important aujourd’hui que dans la série des années 80, comme l’explique Toni García « Les femmes d’aujourd’hui ne sauraient se contenter d’un rôle de potiche. C’est pourquoi nous avons modernisé le rôle de Constance qui n’hésite pas à se battre s’il le faut. Elle vit sa vie, elle est actrice et non pas spectatrice». Le réalisateur continue: « J’ai pu réaliser tous mes fantasmes de mise en scène grâce à la 3D. Les scènes sont bien plus dynamiques. C’est un film d’animation digne d’Hollywood. D’ailleurs ne vous attendez pas forcément à un Happy End». Une prise de position audacieuse pour ce film d’animation made in Espagne qui promet de plaire aussi bien aux spectateurs nostalgiques qu’à ceux qui vont découvrir cette licence. En somme un film pour un, un film pour tous !
À noter, pour les nostalgiques de la première heure, après le générique du film, une version karaoké de la chanson « un pour tous et tous pour un» sur l’air entraînant composé par Manel Gil-Inglada sera diffusée, restez bien jusqu’à la fin.
Des sorties dans un contexte particulier :
Espérée pendant des mois par toute la chaîne du 9e Art, l’annonce d’Emmanuel Macron le 29 avril a pris de court une partie de la profession. Pour Amel Lacombe, c’est avant tout un soulagement pour plusieurs raisons. Elle rappelle que tous les distributeurs ne sont pas égaux : « Chez Eurozoom, on est avant tout un distributeur de cinéma. On n’est pas assis sur un catalogue qui génère beaucoup de ventes à la télévision ou une plateforme de SVOD comme Netflix et consorts. Pour les distributeurs indépendants, le cinéma est un socle dur et immuable. On a besoin de sortir nos films en salles pour vivre. Et sans sorties on ne peut pas investir pour l’avenir, c’est toute la chaîne qui est bloquée».
Mais cette reprise toute désirée soit-elle se fait dans l’urgence. Et même si certains films sont prêts au niveau des droits, du doublage et des sous-titrages, tout le reste du processus de diffusion a dû se faire en moins de deux semaines.
« D’un point de vue logistique et préparation, c’est un cauchemar absolu de faire tout ça en deux semaines. La notion de date de sortie en salle pour nous est essentielle c’est le point vers lequel converge tout notre travail. Par exemple, pour une diffusion de publicité dans un magazine hebdomadaire ou mensuel, il y a des dates de bouclage. Idem pour les achats d’espaces publicitaires. Tout le monde s’est rué sur les affichages rue et métro pour la reprise. Pareil pour la programmation. On aura eu qu’une semaine pour contacter les salles et leur expliquer pourquoi nos films étaient importants», explique la distributrice.
Pour Matthias Jambon‑Puillet, cette urgence a été une opportunité : « Au début un potentiel embouteillage lors de la réouverture nous inquiétait, mais la plupart des studios hollywoodiens ont des budgets marketing et enjeux plus importants. Ils sont moins souples et réactifs qu’une plus petite structure comme la nôtre. Universal le 26 Mai sont les premiers gros à dégainer. Ce qui nous permet avec la sortie du film Demon Slayer — Le train de l’infini d’être l’une des principales sorties internationales le 19 mai».
